Friday, October 23, 2015

L'EUROPE DE WEIMAR

Paralysée par le flot des refugiés et des immigrants, débordée par son extrême-droite, l'Europe d'aujourd'hui file un bien mauvais coton - et nous avec. Ce qui est grave et dangereux dans cette situation, c'est que cette paralysie de l'Europe est volontaire: pas de soutien direct aux courageux Kurdes en Irak et en Syrie pour ne pas se fâcher avec la Turquie, pas de soutien aux troupes chiites pour ne pas se fâcher avec les Américains, soutien suicidaire aux factions extrémistes sunnites pour contrer les Russes... On a tout faux. 
Paradoxalement, à l'intérieur de nos frontières, le système postdémocratique ultra-libéral se met en place avec violence et sans complexe - la Grèce en est l'exemple le plus frappant, mais la réduction des débats d'idées dans tous les pays européens en est le symptôme accompagnateur. 
Au Danemark, par exemple, le terme de "pensée unique" est un euphémisme, tellement les médias sont à la botte du capital (à l'exception de deux ou trois journaux et de quelques journalistes courageusement frondeurs)  et le fanatisme anti-musulman est devenu une effrayante banalité, relayé jusqu'au parti social-démocrate. Si je prends cet exemple, c'est que le modèle nordique est souvent - et à tort, à mon avis - cité comme un modèle démocratique. Aujourd'hui, on peut voir que les modèles ne sont mesurables qu'à l'aune de l'Histoire et qu'aujourd'hui le Danemark est devenu un des pires marais populiste d'Europe à l'échelle nationale.
Mais cette Europe de Weimar n'est pas que la conséquence de l'effondrement de la gauche, qui aurait fait le lit de l'extrême-droite. Il y a eu aussi l'effondrement de la droite démocratique, qui partageait justement certaines valeurs humanistes avec la gauche. Mais ce vide a bien été créé par cet ultra-libéralisme mentionné plus haut, et si les conséquences sont plus accidentelles que volontaires, elles sont tout aussi catastrophiques. L'idéologie ultra-libérale est une idéologie totalitaire, se cachant sous de fictives "lois du marché". Il est impossible de dissocier la guerre totale économique qui se joue aujourd'hui contre les peuples, de l'ídéologie néo-conservatrice qui la défend et la promeut. Il est d'ailleurs facile de faire un parallèle entre la montée des populismes en Europe et le Tea Party américain -ils procèdent tous les deux de la même situation.
Pour réagir, il faut plus que des signatures sur Internet ou des débats sur le débat à la Mutualité. Il faut une redéfinition en profondeur des termes employés et déformés quotidiennement dans les médias: démocratie, liberté, travail, etc. Il faut que les intellectuels - les vrais, pas les fantôches médiatiques qui s'agitent à la radio ou à la télévision - s'attellent à cette gigantesque tâche qui est la refondation, ni plus ni moins, du Contrat Social de ce cher - et combien critiqué - Jean-Jacques Rousseau.
Face à une Europe qui feint d'oublier l'Histoire pour mieux la répéter, à nous de l'écrire à sa place. 

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